Les consommateurs n’en ont pas encore fini avec l’équation du sucre. Après la hausse décidée par les autorités (25 FCfa sur le kg), le produit est devenu subitement rare. Même si le Ministère du Commerce rejette l’idée d’une pénurie, parlant plutôt de « spéculation » sur le produit.

Il est 10 heures passées. Le marché de Dalifort se réveille petit à petit. Sur cet axe, devenu voie de contournement privilégiée des automobilistes depuis que des travaux ont démarré au croisement Cambérène, l’ambiance est plus assurée par les voitures que par les acheteurs. Seules quelques dames sont visibles au niveau de certains étals. À l’entrée principale, un grand magasin de vente de denrées alimentaires. Des détaillants se ravitaillent tranquillement. À côté, des charrettes s’apprêtent à embarquer. Le décor n’a pas changé. Mais, il suffit d’entrer dans le magasin de Khadim pour se mettre au cœur de l’actualité. Ici, le sucre est sur toutes les lèvres. Le produit est devenu tout simplement introuvable. Et la surprise se lit sur le visage du patron des lieux. En effet, par le passé, il y avait des signes qui annonçaient de telles situations. « Il y avait, très souvent, des rumeurs. Qu’elles soient fondées ou pas, elles nous poussaient à prendre les devants en faisant le plein de stock. Mais, cette fois-ci, on a été pris au dépourvu », dit-il d’un rire jaune.

Pour un de ses clients, venu s’approvisionner, le désarroi est le même partout. Même s’il a eu vent d’une hausse du prix du sucre, il ne s’attendait pas à avoir autant de peines à trouver le produit. « Depuis huit heures, je fais le tour des magasins. J’ai fait deux marchés, mais je ne trouve pas de sucre [en poudre]. Le seul que j’ai trouvé a fait passer le prix du simple au double. Il m’a dit que c’est à prendre ou à laisser », raconte-t-il amer.

Spéculation

Activité consistant à tirer profit par anticipation de l’évolution à court, moyen ou long terme du niveau général des prix ou d’un prix particulier en vue d’en retirer une plus-value ou un bénéfice, la spéculation est devenue une habitude chez beaucoup de commerçants dans de pareilles situations. Trouvé à quelques jets de pierres du magasin de Khadim, Alpha a fini d’appeler tous ses fournisseurs en vain. Il a tout simplement décidé de se contenter des autres denrées. Pour lui, « il est hors de question de céder à la pression des spéculateurs ». S’il est convaincu d’une chose, c’est que le sucre ne manque pas. « Nous avons l’habitude de vivre de telles situations. À chaque fois qu’il y a une hausse, certains en profitent pour créer une pénurie artificielle pour encore faire grimper les prix. C’est ce qui se passe exactement avec le sucre. Il faut que les autorités soient plus fermes », alerte-t-il.

Le kg vendu jusqu’à 700 FCfa

Si l’arrêté du 21-94 du 3 février 2022 du Ministère du Commerce fixe le prix du kilogramme de sucre en poudre à 625 FCfa, sur le marché, les prix pratiqués sont bien supérieurs. Un des rares à disposer du sucre dans son magasin au marché Castors, Badara est ferme : il vend le kilogramme à 700 FCfa. « C’est à prendre ou à laisser », dit-il sans un mot de plus. Pour lui, cette hausse se justifie. En effet, alors qu’il avait l’habitude de se faire livrer après quelques coups de fil, ce matin, il a été obligé de remuer ciel et terre. « Que voulez-vous que je fasse avec les frais supplémentaires ? Je ne travaille pas pour perdre », insiste-t-il sous le regard désemparé de clients venus se procurer le produit. Cette dame, vendeuse de petit-déjeuner, ne cache pas son désarroi. Selon elle, c’est tout son business qui est chamboulé. Du petit-déjeuner aux jus de fruits en passant par le thé et la bouillie qu’elle vend la nuit, toute son activité est liée au sucre. « On ne peut subitement appliquer une hausse de 100 FCfa sur le kg. C’est presque criminel », dénonce-t-elle.

« Gare à certains sucres »

Vendeur de café et de thé installé juste derrière le magasin, cet homme à l’accoutrement « Baye Fall » préfère s’en remettre à Dieu, mais ne manque pas d’attirer l’attention des autorités. Selon lui, il fut un temps où une certaine variété de sucre circulait sur le marché en période de pénurie. « C’est un sucre dangereux que beaucoup de vendeurs de café et de jus utilisent. Avec une petite quantité, on peut sucrer beaucoup de litres. Les effets sont très nocifs. J’en connais beaucoup qui l’utilisent en cachette », alerte-t-il. Pire, poursuit le vendeur de café, les circuits sont nombreux. « D’après les informations, c’est un produit qui vient de la Chine ou de la Malaisie. Personnellement, cela ne m’a jamais intéressé. Néanmoins, il y’en a qui le vendent », semble se dédouaner le propriétaire du magasin.

Oumar ÉEDIOR

OUMAR DIALLO, DIRECTEUR DU COMMERCE INTÉRIEUR

« Il y a suffisamment de sucre sur le marché »

Pour le Directeur du Commerce intérieur, Oumar Diallo, il n’y a pas de pénurie de sucre. À son avis, cette situation est très habituelle quand il y a de nouveaux prix qui sont pratiqués. « À cause des changements sur les prix, les commerçants n’ont pas passé de commandes. La plupart préfèrent attendre d’épuiser le stock existant pour acheter aux nouveaux prix », explique-t-il. Mais, pour lui, la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) est en pleine production et il y a suffisamment de sucre pour répondre à la demande. D’ailleurs, M. Diallo révèle que le Ministère est « en train de voir avec la Css comment mettre en place des mécanismes qui feront de sorte que même si les commerçants ne viennent pas acheter le sucre, que les consommateurs puissent être ravitaillés ».

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