Les Américains renouvellent ce mardi 8 novembre la Chambre des députés, un tiers du Sénat et de très nombreux postes locaux. Joe Biden va-t-il perdre la courte majorité qu’il détient dans les deux Chambres et peiner à appliquer son programme les deux prochaines années ? Tous les yeux se tournent vers les États clés, où démocrates et républicains sont au coude-à-coude. Des millions de dollars ont par exemple été dépensés en Pennsylvanie, en Géorgie et en Arizona.

C’est la campagne la plus chère de 2022. En Pennsylvanie, un État du Midwest souvent indécis que Joe Biden a fait basculer en 2020, la course à suivre est une sénatoriale. Côté démocrate, John Fetterman milite pour la légalisation du cannabis ou le développement des syndicats. Victime d’un AVC qui l’a diminué, il affronte Mehmet Oz, un chirurgien vedette de la télé, ami de Donald Trump. « Comme l’ancien président, il a eu son émission télé. Il est très connu pour ça, même si la médecine qu’il propose n’est pas forcément celle qu’on pratique » note Nicolle Herzog, maîtresse de conférences à l’Université de Caroline. « Pendant les primaires, il s’est présenté comme très aligné avec Trump. Maintenant il doit adoucir son image pour plaire à toute la Pennsylvanie. Il essaie de jouer sur les deux tableaux : il est très extrémiste et en même temps modéré. Mais quelques phrases lui ont échappé. Il a par exemple dit que “l’avortement serait un choix entre les femmes, les médecins et les dirigeants politiques locaux” ».

Ce siège de sénateur pourrait à lui seul décider du contrôle du Sénat américain. Aujourd’hui la Chambre haute est exactement divisée, à 50-50, entre les deux partis. Un seul poste gagné par les républicains suffirait à priver les démocrates de leur très courte majorité. Et sans majorité, difficile d’appliquer un programme. « Quand une partie du gouvernement est gérée par un parti et l’autre par un autre parti, on risque des affrontements sur le budget », note Nicolle Herzog. « En cas de shutdown, les personnes qui travaillent pour le gouvernement ne sont pas payées. À un moment où on subit une très forte inflation, une “fermeture du gouvernement”, comme en 2013 ou en 2019, serait très mal vue par la population ».

Traditionnellement, ces élections de mi-mandat se transforment en référendum sur le président au pouvoir. Selon l’universitaire, Joe Biden tente en ce moment, pour limiter la casse, de véhiculer « l’idée que cette élection tourne autour de la question de la démocratie ».

Pour le Sénat, les duels sont aussi très serrés dans l’Ohio, le Wisconsin, en Arizona ou encore en Géorgie. Il y a deux ans, cet État du Sud avait offert la victoire à Joe Biden, à quelques milliers de voix près, ainsi que deux postes de sénateurs démocrates. « Une surprise », insiste Françoise Coste, professeure à l’Université Toulouse Jean Jaurès. « Le Sud des États-Unis est un océan d’États rouges conservateurs. Sauf la Géorgie qui, depuis les années Obama, est en train de devenir un État pourpre. Ces deux postes de sénateurs ont donné aux démocrates la majorité qu’ils ont aujourd’hui au Sénat. Tout ce que Biden a pu faire passer au Congrès depuis 2020, c’est grâce à ces deux postes en Géorgie ».

L’un de ces deux sièges est remis en jeu ce mardi. Le sénateur sortant, Raphael Warnock, affronte un autre candidat afro-américain, l’ancienne star du football Herschel Walker. « Dans tous les cas, il y aura un sénateur noir au Congrès. Il y en a très peu. Sur le plan du symbole, c’est important, surtout dans un État du Sud », commente Françoise Coste. « Malgré tout, Herschel Walker n’est pas un grand intellectuel politique et la campagne a été touchée par plusieurs scandales ».

La bataille pour le poste de gouverneur est aussi particulièrement suivie en Géorgie. Le très conservateur Brian Kemp s’accroche à son siège face à la démocrate Stacey Abrams, battue de peu il y a quatre ans.

Quand l’ombre de la présidentielle de 2020 plane sur l’Arizona

Au-delà de ces courses très médiatisées, ces élections vont aussi permettre aux Américains d’élire tous leurs représentants locaux : représentants et sénateursau Congrès local, shérifs ou encore membres des conseils d’administration des écoles. Le siège de secrétaire d’État, un poste avant tout administratif qui n’était pas dans la lumière, est devenu un champ de bataille en 2022. « Dans ce cycle électoral, on a constaté un effort républicain visant à prendre le contrôle de cette fonction. En Arizona, le secrétaire d’État est le directeur général des élections. Son bureau va par exemple certifier les machines de votes, tout comme les candidats et les questions référendaires portées au scrutin. Surtout, c’est lui qui va certifier les résultats des élections », détaille Victor Bardou-Bourgeois, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, au Canada.

La bataille est particulièrement importante dans les États pivots, comme l’Arizona, où les partisans de Donald Trump ont contesté les résultats de l’élection de 2020. En Arizona, on rejoue presque l’élection : un ancien organisateur démocrate du scrutin présidentiel, Adrian Fontes, affronte le républicain Mark Finchem, élu de la chambre des représentants de l’Arizona et membre d’une milice d’extrême droite. Ce dernier a été adoubé par Donald Trump. « C’est un négationniste électoral notoire, il prétend que l’élection a été volée et que la législature de l’Arizona n’a pas fait assez en 2020 pour aider l’ancien président à gagner les grands électeurs de l’État », explique Victor Bardou-Bourgeois. « La personne qui occupera ce poste peut complexifier l’exercice du droit de vote en imposant des restrictions sur le vote par correspondance. Il peut aussi décider sur quels critères seront purgées les listes électorales. Le plus inquiétant est qu’il pourrait aussi semer le doute sur l’intégrité de l’élection en refusant de certifier le vote rapidement ».

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est donc aussi la neutralité de l’administration électorale dans cet État pivot, où le vote est généralement serré. Cela aura des conséquences sur la prochaine échéance : la présidentielle de 2024.

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