Benoît XVI est mort, samedi matin, à l’âge de 95 ans. Le pape émérite avait dirigé l’Église catholique de 2005 à 2013, huit années marquées par de multiples révélations d’abus sexuels commis sur des enfants. Il a été le premier souverain pontife à renoncer à son saint office en six siècles.

Sa renonciation en 2013 avait pris le monde entier par surprise. Le pape émérite Benoît XVI s’est éteint, samedi 31 décembre, au monastère Mater Ecclesiae, au cœur des jardins du Vatican, où il vivait depuis sa renonciation.

La Salle de presse du Saint-Siège a annoncé que le décès était survenu à 9h34 au monastère Mater Ecclesiae, lieu que le pape émérite de 95 ans avait choisi comme résidence depuis 2013.

« J’ai la douleur de vous annoncer que le pape émérite, Benoît XVI, est décédé aujourd’hui à 09 h 34. D’autres informations vous seront communiquées dès que possible », a annoncé dans un communiqué le directeur du service de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni.

Âgé de 95 ans, Benoît XVI, de son vrai nom Joseph Ratzinger, était apparu de plus en plus fragile ces derniers mois, se déplaçant en chaise roulante, mais continuant de recevoir des visiteurs. Les photos de sa dernière visite reçue le 1er décembre montraient un homme frêle et visiblement affaibli.

Ces derniers jours, sa santé s’était encore dégradée. Le pape François avait annoncé mercredi 28 décembre que son prédécesseur était « gravement malade » et qu’il priait pour lui. Une messe à son intention avait ensuite été célébrée vendredi en fin d’après-midi à la basilique Saint-Jean-de-Latran, à Rome.

Le pape qui a démissionné
Joseph Ratzinger avait succédé au charismatique Jean-Paul II le 19 avril 2005, à 78 ans. Pendant les huit années de son pontificat, le pape allemand doit gérer l’une des crises les plus aiguës de l’Église contemporaine, provoquée par l’avalanche de révélations d’abus sexuels commis sur des enfants par des prêtres et souvent couverts par leur hiérarchie.

Un drame qui le rattrape encore à la fin de sa vie. En février 2022, mis en cause par un rapport publié en Allemagne l’accusant d’inaction face à des violences sur mineurs lorsqu’il était archevêque de Munich, il demande officiellement « pardon » mais assure ne jamais avoir couvert de pédocriminel.

Benoît XVI restera dans les mémoires comme le premier pape en six siècles à avoir renoncé à son saint office, remettant en cause un tabou de l’Église catholique : l’élection du pape à vie. Le 28 février 2013, dans un geste historique et qualifié par les vaticanistes de « très moderne », il choisit ainsi de quitter ses fonctions, expliquant au monde que ses forces ne sont « plus aptes à exercer adéquatement le ministère » de pape.

Depuis, il n’était apparu en public qu’à de rares occasions, pour des célébrations, à l’invitation du pape François notamment, comme lors de la messe de canonisation des papes Jean-Paul II et Jean XXIII, en 2014. Retiré du monde, il était revenu à son domaine de prédilection, les livres, partageant son temps entre la lecture, la prière, le piano et quelques visites, selon Georg Gänswein, son secrétaire pendant un quart de siècle.

Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi
Né le 16 avril 1927 en Bavière, Joseph Ratzinger grandit dans une famille de fervents catholiques. Son père est farouchement opposé au nazisme, mais cela n’empêche pas le jeune Joseph d’être enrôlé de force dans les jeunesses hitlériennes à l’âge de 14 ans. Après être passé brièvement dans les services de défense antiaérienne et avoir été fait prisonnier, il est libéré en 1945 et commence sa formation de prêtre en suivant des études en philosophie et théologie. Il est ordonné le 29 juin 1951, en même temps que son frère aîné, Georg.

En 1958, il est nommé professeur de théologie à l’école supérieure de Freising et est alors l’un des plus jeunes théologiens d’Allemagne. Il enseigne également à l’université de Bonn puis à celle de Münster. Il participe au concile Vatican II – qui se déroule en quatre sessions entre 1962 et 1965 – en tant que consultant théologique auprès du cardinal de Cologne. Fait pour le moins surprenant, Joseph Ratzinger, associé à l’image du théologien austère et conservateur, est alors considéré comme un réformateur.

Quelques années plus tard, en 1977, le pape Paul VI le nomme archevêque de Munich et Freising, puis cardinal. En 1981, Jean-Paul II le place à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’un des principaux postes au Vatican. Le rôle de la congrégation est de promouvoir, et de protéger, la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique. Benoît XVI mène cette tâche pendant 23 ans – une période où il travaille en étroite collaboration avec Jean-Paul II.

Un pontificat jalonné de scandales
Élu à la tête de l’Église catholique le 19 avril 2005, il hérite de la lourde tâche de succéder à Jean-Paul II, pape ô combien populaire. Or il ne jouit pas de la même aisance en public et pâtit à plusieurs reprises de difficultés de communication. Dès sa première audience publique, le 27 avril 2005, Benoît XVI s’attire les foudres des médias. Il affirme regretter que le projet de Constitution européenne ne mentionne pas explicitement les racines chrétiennes de l’Europe. Une position assouplie deux ans plus tard lorsqu’il se prononce finalement en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Le 12 septembre 2006, son discours de Ratisbonne provoque l’ire du monde musulman. Pour condamner les violences faites au nom de la religion, il cite l’empereur byzantin Manuel II Paléologue (1350-1425), dénonçant le « mandat de Mahomet de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». Une citation qui choque les fidèles musulmans. Quelques mois plus tard, il tente de corriger le tir, déclarant « regretter » que son discours de Ratisbonne ait été à l’origine d’un malentendu. Enfin, trois ans plus tard, le souverain pontife se rend en Jordanie pour son premier voyage en terre d’islam. Il prie à la mosquée Al-Hussein, la plus grande du pays, et devient ainsi le deuxième pape, après Jean-Paul II, à pénétrer dans une mosquée.

Une autre déclaration marque ses détracteurs, celle sur le préservatif qui, selon Benoît XVI, « aggraverait le problème du sida ». Cette phrase, prononcée en mars 2009 dans l’avion qui le conduit au Cameroun pour son premier voyage en Afrique, se répand comme une traînée de poudre dans les médias du monde entier. Cependant, dans son ouvrage « Lumière du monde » publié en 2010, Benoît XVI devient finalement le premier souverain pontife à admettre que l’usage du préservatif, dans des cas très limités pour contenir la diffusion du sida, peut être un premier pas vers une « sexualité plus humaine ».

Dans la tourmente des scandales de pédocriminalité
Mais ces polémiques ne sont rien à côté des scandales de pédocriminalité dans l’Église qui éclatent durant le pontificat du pape allemand. Quand il prend la tête du Saint-Siège en 2005, les révélations sur des abus sexuels commis par des hommes d’Église ont déjà pris de l’ampleur aux États-Unis. En 2008, il est le premier pape à exprimer sa « honte » et à rencontrer des victimes. Mais une nouvelle vague de révélations survient fin 2009 en Irlande, puis s’étend en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine. L’Église est en outre accusée d’avoir couvert des cas d’abus sexuels sur des mineurs entre 1975 et 2004. Pour désamorcer la crise, Benoît XVI s’adresse aux catholiques d’Irlande, exprimant les regrets de l’Église.

Mais bientôt, il est lui-même accusé d’avoir couvert un prêtre pédophile alors qu’il était encore cardinal. Si le Vatican resserre les rangs autour du souverain pontife, des voix s’élèvent pour demander sa démission. Le 13 avril 2010, la crise s’estompe quand le Vatican publie les « lignes directrices » de son plan de lutte contre la pédocriminalité dans l’Église.

Durant cette crise, Benoît XVI s’est à plusieurs reprises vu reprocher de n’avoir pas assez pris la mesure du problème durant ses 24 ans passés à la tête de la puissante Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais, contrairement à certaines personnalités du Vatican qui crient au complot médiatique, il reconnaît les « péchés » de l’Église et entreprend une opération place nette, entraînant la démission de dizaines d’évêques.

« J’ai eu de grandes responsabilités dans l’Église catholique. Ma douleur est d’autant plus grande pour les abus et les erreurs qui se sont produits au cours de mon mandat en différents lieux », résume-t-il plusieurs années plus tard, en 2022, lorsqu’il demande « pardon » à ses fidèles.

Neuf ans après sa renonciation, nombre de spécialistes du Vatican estiment finalement que ce qui caractérise avant tout Joseph Ratzinger est un vrai souci de transparence et d’honnêteté. En témoigne notamment son action pour assainir les finances du Vatican et réduire l’opacité de sa banque et de ses comptes. Des initiatives qui tranchent avec les pratiques vaticanes et qui surprennent de la part d’un pape réputé conservateur. Figure austère de l’Église pour les uns, pape incompris pour les autres, Benoît XVI a laissé sa marque.

Avec F24

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