D’une épidémie émanant de la chine, la Covid-19 s’est vite muée en pandémie à travers le monde avec aujourd’hui un bilan global estimé à plus de 23.400.000 de cas confirmés. Ainsi, celle-ci a bouleversé le monde entier dans tous les segments de la société. L’économie mondiale est asphyxiée et l’ordre social profondément affecté. Le Sénégal où le nombre de victimes va croissant, est aussi frappé de plein fouet. En ce 24 août 2020, on dénombre 13.013 cas de contamination et 272 décès. Les mesures prises par l’Etat n’ont pas contribué à endiguer la crise sanitaire : Etat d’urgence, loi d’habilitation et plan de résilience socio-économique avec un budget de 1000 milliards de FCFA. En effet, l’environnement quotidien est devenu complètement déstructuré et le système éducatif, le transport, le commerce, l’administration sont quasiment paralysés. L’Etat était obligé de lâcher du lest. Il a fallu alors, par un assouplissement progressif des mesures prises au départ, « apprendre à vivre en présence du virus » selon les propres termes du président Macky SALL en adaptant nos comportements individuels et collectifs en fonction de l’évolution de la maladie.

Cependant, dans le secteur de l’éducation, l’Etat du Sénégal a fait face à un véritable dilemme : faut-il continuer à fermer les établissements scolaires face à une pandémie dont la fin est incertaine ou faut-il reprendre les enseignements-apprentissages malgré tous les risques de contamination qui pèsent dans l’univers scolaire ? La deuxième option sera privilégiée. C’est ainsi que dans le primaire, le moyen/secondaire, les cours ont repris pour les classes d’examen uniquement. Les niveaux intermédiaires, laissés à eux-mêmes, ont été sacrifiés sans accompagnement pédagogique efficace. 

Dans l’Enseignement supérieur, après avoir procédé à la fermeture systématique des Établissements d’enseignement supérieur publics et privés pour lutter contre la pandémie, le Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation (MESRI) à son tour, décide de la reprise des cours en présentiel à partir du 01 septembre 2020 pour sauver l’année académique. Parmi les motifs de cette décision lourde de conséquences on peut citer le fait que tous les établissements, à l’exception de l’Université du Sine Saloum El Hadji Ibrahima Niass (USSEIN) et de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), aient presque bouclé la moitié de l’année universitaire. Mais, au-delà de cet alibi, la réalité est que l’État du Sénégal ne saurait cautionner « une année universitaire blanche » à cause des pertes financières et de ses engagements auprès des institutions de Breton Woods.

Le MESRI avait déclaré que la reprise des enseignements en présentiel est subordonnée, d’une part, à l’amélioration significative de la situation sanitaire nationale et d’autre part, à la mise en place de dispositifs offrant des garanties sanitaires au Personnel Enseignant et de Recherche (PER), aux Personnels Administratifs, Techniques et de Service (PATS), aux étudiantes et étudiants.

Toutefois, il urge de se poser un certain nombre de questions. Face à l’évolution galopante de la pandémie, est-il possible d’assurer la sécurité de plus de 200 000 étudiants ? Au regard de leur grand nombre à l’Université Cheikh Anta Diop, par exemple, qui englobe 61,7% de l’effectif total des Universités publiques avec 79 141 étudiants en 2019, l’Etat du Sénégal est-il en mesure de faire respecter les mesures sanitaires requises durant les quatre mois de cours en présentiel (de septembre à décembre) ? De toute évidence, la réponse est négative. Qui connaît le campus pédagogique sait qu’il est utopique et illusoire de s’attendre au respect des mesures barrières édictées par les spécialistes de la santé. Dans des amphithéâtres bondés d’étudiants s’asseyant à même le sol, parfois sur les rebords des fenêtres ou squattant même le bureau du professeur, le virus risque de se propager de manière exponentielle. Avec ce corps professoral vieillissant, dont nombreux trainent des comorbidités la reprise au mois de septembre risque de mettre en péril leur vie, une situation qui, le cas échéant, aggraverait le manque criard d’enseignants dans les Établissements d’enseignement supérieur. Quant aux campus sociaux, ils constituent de potentiels futurs clusters vu leur configuration et le niveau de saturation dans l’occupation des chambres.

Si le respect de la distanciation sociale s’avère extrêmement difficile dans les campus pédagogiques et sociaux des universités publiques en raison du nombre pléthorique des étudiants et au manque notoire d’infrastructures adéquates, l’obligation du port de masque présente tout aussi des limites objectives : insuffisance de dispositif de contrôle (services de sécurité universitaires), laxisme d’une bonne partie des populations et surtout carence dans la fabrique et la fourniture de masques aux populations qui les obtiennent, à leurs frais, dans une parfaite débrouillardise, notamment les étudiants. Imaginez Dakar, épicentre de la COVID-19 où le PIB/hbt dans sa banlieue est de 1200f/jour, pour constater la difficulté de naviguer entre les obligations familiales quotidiennes, les imprévus et les frais (anodins pour les ignorants) pour se doter de masques à suffisance.

La reprise des enseignements risque également de remettre en cause un pilier important de la société sénégalaise : la solidarité. Les faits sont réels. Nombreuses sont les personnes et les familles qui ont subies l’effet de stigmatisation car ayant été testées positives ou ayant même enregistré un décès lié à la COVID-19. Considérée par une frange de la population comme une maladie de la honte, la COVID-19 n’encourage parfois pas certaines familles d’accueil à ouvrir leur porte comme d’habitude et réponde à l’appel de la politique du « restez chez vous. ».  Les étudiants qui n’ont pas la chance de bénéficier de chambre, souvent plus nombreux que les logés, vont devenir de véritables transporteurs ambulants du virus. Ils ne seront pas à l’abri de stigmatisation, de rejet et de méfiance de la part de leur famille d’accueil. Ceux qui seraient infectés, une fois chez eux, sont susceptibles de contaminer les personnes âgées et autres vivant avec des comorbidités, des catégories d’individus qui succombent très vite à la COVID-19.

Malgré tous ces dangers qui se profilent à l’horizon et qui risquent de saper la reprise des cours dans les universités, il est possible de proposer des pistes de réflexion qui peuvent déboucher sur des solutions pouvant amoindrir la propagation du virus :

  • Distribuer gratuitement et en permanence des masques aux étudiants ;
  • Assurer l’hygiène des infrastructures pédagogiques en multipliant les équipes de nettoyage et en mettant à leur disposition des kits sanitaires suffisants ; 
  • Communiquer davantage sur les mesures spécifiques qui doivent être prises pour l’hébergement au campus.
  • Impliquer les associations des étudiants dans la gestion de la pandémie par la sensibilisation sur le port obligatoire des masques et les mesures barrières à adopter ;
  • Rassurer les familles sur les mesures prises ;
  • À défaut de distribuer du gel, diminuer considérablement le prix de l’unité pour qu’il soit à la portée des bourses de tous les étudiants ;
  • Instaurer un dépistage gratuit et volontaire ;
  • Mettre un dispositif de lavage des mains à la porte des campus, des pavillons, des amphithéâtres et des salles de Travaux Dirigés (TD) et de Travaux Pratiques (TP) et des bibliothèques et autres salles de lectures.
  • Exiger le passage au thermoflash devant les amphithéâtres et les salles de T.D;
  • Renforcer le service de sécurité dans les campus sociaux chargé de limiter le surpeuplement dans les chambres avec le fameux système de « clandotage » ;
  • Mettre l’accent sur l’information et la sensibilisation par le biais des affiches, flyers, panneaux publicitaires à propos des mesures barrières ;
  • Revoir le découpage du calendrier universitaire pour le reste de l’année et adapter le quantum horaire aux réalités de la pandémie ;
  • Penser à un programme minimal en mettant l’accent sur les chapitres essentiels majeurs selon le quantum horaire à couvrir, comme c’est le cas avec les classes de Terminales dans le cycle secondaire ;  
  • Combiner le présentiel avec l’enseignement à distance : privilégier les enseignements à distance pour les cours magistraux et maintenir les TD et TP en présentiel ;
  • Multiplier les groupes de TD et de TP pour éviter les classes pléthoriques, surtout au niveau des L1, L2 et L3, dans les établissements où les infrastructures pédagogiques le permettent. A cet effet, il faudra mettre à contribution un nombre important de vacataires compétents afin d’assurer la prise en charge effective de ces TD et TP.

L’État, en collaboration avec les instances dirigeantes des Établissements d’enseignement supérieur publics et privés, doit prendre toutes ses responsabilités pour mettre en œuvre les mesures idoines afin de garantir une reprise correcte des enseignements avec des risques amoindris de propagation de la Covid-19. Les acteurs de l’enseignement supérieur, particulièrement les étudiants, doivent jouer leur partition en respectant scrupuleusement les dispositions sanitaires qui seront édictées par les pouvoirs publics et les autorités universitaires. Il incombe à l’Etat ainsi qu’à tous les acteurs d’œuvrer non seulement à assurer la continuité de l’année académique 2019-2020, mais aussi à préserver la santé et la vie des uns et des autres, gage de relance de l’enseignement supérieur en pleine pandémie de Coronavirus.

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