La main tendue du président de la République, depuis son avènement à la magistrature suprême en 2012, a bien fini de susciter interrogations et suspicions chez bien d’acteurs de la scène politique (partis comme observateurs). Pour cause, la conséquente des divers temps du dialogue national lancé par Macky Sall, depuis lors, semblent plus favoriser le maître du jeu que les autres parties prenantes.

Quelles sont les réelles intentions des parties prenantes et les véritables objectifs du dialogue national institutionnalisé par le chef de l’Etat Macky Sall pour chaque 28 mai? Le dialogue national est-il pertinent dans un contexte où le pays est relativement stable ? Quels sont les axes prioritaires autour desquels les acteurs devraient se pencher ? Quels sont les attentes des Sénégalais? Ces différentes questions posées par nombre d’observateurs, au lendemain de la réélection du président Macky Sall marquée par la main tendue à l’ensemble des forces vives pour un dialogue sans exclusive, semblent trouver peu à peu des réponses. Ou du moins, les objectifs visés par le chef de l’Etat, à travers cet appel au dialogue, paraissent clairs, au vu des derniers développements concernant le dialogue national et ses effets sur la redistribution des cartes au sein de la classe politique.

Lors du lancement du dialogue national, l’idée avancée était de trouver des consensus forts pour rendre le processus d’émergence irréversible grâce à une stabilité politique du pays. La cause, les résultats de la présidentielle de février 2019 avaient été contestés par l’ensemble des 4 candidats de l’opposition, créant ainsi un climat politique tendu.
Tout compte fait, ce dialogue a permis l’ouverture du gouvernement à l’opposition, notamment à Idrissa Seck, leader du parti Rewmi et à Oumar Sarr, ancien du Pds. Ce qui suscite des interrogations somme toute légitimes sur les objectifs réels de ce dialogue national et/ou politique, sachant que, non seulement il y a eu des précédents, mais le déroulement dudit dialogue et les lenteurs notées dans la mise en œuvre des recommandations et autres points d’accord, posent problème.

En effet, la presse fait état des travers de ce dialogue national avec notamment la libération des locaux occupés par le président de la commission du dialogue national, Famara Ibrahima Sagna, faute de budget. Il s’y ajoute le silence total des autres commissions mort-nées du dialogue à l’exception de celle du dialogue politique, seule à avoir déposé un rapport sur la table du président Sall. Le démarrage des travaux de l’audit du fichier et de l’évaluation du processus électoral, premiers points à obtenir un consensus de la part des acteurs prenant part à ce dialogue politique, dès les premières sessions, traine toujours. Toute chose qui oblige un énième report des élections locales, d’autant plus que l’opposition en avait fait une de ses conditions pour sa participation aux prochaines joutes. Ce scepticisme sur les réelles motivations du chef de l’Etat concernant sa stratégie de la main tendue à son opposition et aux autres forces vives de la Nation s’explique par les résultats obtenus lors des précédentes rencontres.

Pour rappel, alors que le chef de l’Etat avait indiqué vouloir «des consultations inclusives sur des questions exclusivement d’intérêt national», le dialogue politique du 28 mai 2016, qui avait connu la participation d’une partie de l’opposition, avait simplement abouti à la libération par grâce présidentielle de Karim Wade. Mieux, ce dialogue tenu deux mois seulement après le référendum, devait servir de pare-feu contre les vives critiques de l’opposition et d’organisations de la société civile, concernant son renoncement de s’appliquer la réduction de son mandat de 7 à 5 ans, conformément à sa promesse électorale.

Quid du dialogue initié en 2017, après les élections législatives chaotiques du 30 juillet 2017 ? Le Président Sall refuse catégoriquement d’accéder à la requête de l’opposition de nommer un ministre de l’Intérieur non affilié à un parti. C’est dans ce contexte de rupture de confiance entre les différents acteurs politiques que le chef de l’Etat a imposé le parrainage sans concertation, qui durcit les conditions pour pouvoir concourir aux différentes élections.

La loi sera votée sans débat, les manifestations de l’opposition sont réprimées, et les leaders arrêtés. Aujourd’hui que, sur la base du dialogue national, le gouvernement a été ouvert à des forces de l’opposition et que les choses trainent encore par rapport à la matérialisation des points de consensus obtenus, ou encore concernant les autres points sensibles non encore discutés et les autres commissions du dialogue national mort-nées, le doute sur les réelles motivations du dialogue reste tout aussi légitime.

Jean Michel DIATTA

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