Après huit ans à la tête de notre pays, le président Macky Sall fait toujours face à l’équation des jeunes englués dans un chômage chronique. Comment en est-on arrivé à cette situation malgré l’existence de plusieurs structures dédiées à la création d’emplois pour cette couche de la population et les sommes colossales englouties dans ce domaine ? Des économistes chevronnés se sont penchés sur les failles du système actuel après que le chef de l’Etat a annoncé le déblocage de 450 milliards de francs provenant d’une réorientation budgétaire pour résoudre la lancinante question de l’emploi des jeunes.

Au regard du nouveau cap fixé par le chef de l’Etat, lors de son traditionnel discours à la Nation du 03 avril au soir, il est permis d’en conclure que la politique d’emploi de son régime est caractérisée par un échec patent. Le remède de cheval proposé par le président pour résoudre cette équation apparemment insoluble, c’est une réorientation d’allocutions budgétaires à hauteur de 450 milliards sur trois ans.

De façon urgente, 150 milliards seront alloués dès cette année-ci à la création d’emplois. S’agit-il d’une nouvelle manière de faire face à la question de l’emploi des jeunes ? Macky Sall abat-il, à travers cette mesure, sa dernière importante carte sur le chemin de 2024 ? Économiste, Mansour Samb, auteur de l’ouvrage « Les limites du Plan Sénégal émergent » (Pse) répond positivement à ces deux questions. « Le président de la République n’a pas le droit de rater un tel virage en direction des jeunes qui sont tout de même une carte maîtresse sur le chemin de 2024. Cependant, je me demande si la manière d’articuler cette nouvelle démarche est la bonne » commence par tempérer l’interlocuteur de nos confrères du Témoin.

On aura compris que Mansour Samb est sceptique quant aux répercussions économiques du nouveau dispositif présidentiel. « Etant donné qu’actuellement le Sénégal connaît, d’une part, un déficit de 6 % et que, d’autre part, en termes d’endettement nous avons atteint 70 % de notre PIB, l’Etat ne peut plus emprunter de l’argent ailleurs. Donc, la réorientation des allocutions budgétaires dont parle le président va forcément consister à couper sur certains budgets qui étaient prévus pour d’autres dépenses. Autrement dit, dans tous les ministères, il va y avoir des ponctions sur leur budget déjà défini. Ce qui, par conséquent, va entrainer des trous financiers dans la mesure où un budget est une prévision de dépenses. Or, toutes ces dépenses budgétisées étaient conçues pour être exécutées et alléger les problèmes des populations. C’est pourquoi, avec cette réorientation budgétaire qui vise à régler la question de l’emploi, il faut également s’attendre à voir subitement d’autres secteurs en crise ainsi que des blocages dans plusieurs départements ministériels », avertit l’économiste Mansour Samb dans les colonnes du journal Le Témoin.

A l’en croire, un autre risque pèse sur l’atteinte du taux de croissance de 5 % prévu en 2021. Au sujet des ressources financières pour la réalisation des nouveaux engagements du président, l’économiste entrevoit une certaine lueur d’espoir sur les deux ans à venir dans la mesure où, dit-il, le gouvernement aura eu suffisamment de marge de manœuvre sur le budget. Mais, à l’en croire, des insuffisances se profilent irréversiblement à l’horizon.

Aujourd’hui, souligne M Samb, le gouvernement veut créer de l’emploi avec le budget. « Or ce n’est pas avec le budget qu’on crée de l’emploi, mais c’est avec plutôt un secteur privé fort. Ce qui va se passer c’est la création de fonds pour stimuler l’emploi. Mais ce ne seront pas des emplois durables et stables. Dans un pays organisé, pour créer de l’emploi, il faut d’abord former les jeunes. Il faut les former en adéquation avec les besoins du marché. Mais le principal problème dans tout cet échec est le fait que, structurellement, on n’a pas mis en place une véritable politique qui viserait à avoir un secteur privé local fort, dynamique et capable d’absorber toutes les demandes d’emplois des jeunes », a diagnostiqué l’économiste, auteur de l’ouvrage « Les limites du Pse ».

Der, Anpej, Fongip, l’Adpme, ces structures sans rendement
Selon l’économiste Meissa Babou, il est urgent de réorganiser l’ensemble du système mis en place pour résoudre la question du chômage des jeunes dans notre pays. Car, soutient-il, malgré tous les efforts financiers déployés par le régime en place pour résoudre la problématique de l’emploi des jeunes, la réalité sur le terrain montre que les résultats restent mitigés.
« Et c’est parce que c’est un problème d’organisation. Car, ce n’est pas en multipliant des agences et des bureaux qu’on parviendra à résoudre ce problème. Le chômage dans ce pays est un problème structurel et anémique. Parce ce que l’activité économique principale au Sénégal n’est pas résiliente socialement. C’est-à-dire que nous avons des secteurs à faible rentabilité sociale. Et ils sont beaucoup plus tournés vers le tertiaire comme les services de téléphonie et financiers. Or, en matière d’emplois, ce secteur ne peut pas engloutir une grande part de la demande sur le marché », analyse l’enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Autre facteur déterminant dans l’échec des politiques d’emplois initiées par le pouvoir en place, selon Meissa Babou, la diversité des centres de décision. « Et entre ces centres de décision, il n’y a pas de link. Ceux dédiés à la formation aussi ne sont pas directement liés aux structures d’emplois. En plus même la DER (Ndlr, Délégation générale à l’entreprenariat rapide des jeunes et des femmes) n’est pas rattachée au ministère en charge de la micro finance », déplore l’économiste, d’après qui, l’orientation prise par le chef de l’Etat en ce qui concerne la décentralisation de sa nouvelle politique d’emploi par des guichets dans les départements est une approche importante.

Il rappelle que, depuis le magistère du président Abdoulaye Wade, l’Etat a créé beaucoup d’agences dédiées à la promotion de l’emploi des jeunes mais qui ont été sans impact significatif dans la réduction du chômage. C’est pourquoi l’économiste Mansour Samb estime que ce qui était attendu du président Macky Sall, c’était de dissoudre toutes ces structures pour enfin les fusionner en une seule. « Non seulement cela aurait permis de rationaliser les dépenses publiques mais également de renforcer la crédibilité de la politique d’emploi. En ce sens, une seule structure avec différents guichets aurait permis de régler la situation. Mais malheureusement, l’aspect politique et le clientélisme sont toujours au cœur de toutes ces initiatives », soutient l’auteur de l’ouvrage « Les limites du PSE ».

L’autre option que devrait prendre le président Macky Sall dans cette volonté de résoudre le problème de l’emploi, selon M. Samb, c’est l’audit de toute la manne financière injectée dans ces structures qui n’ont pas connu de réussite. « Car rappelez- vous, la plus grosse faillite dans cette politique d’emploi fut ce que le Fongip avait investi dans la création des cantines à Dakar. 2 milliards ont été injectés dans ce sens alors qu’au finish le projet a échoué sans que personne ne sache les causes d’une telle faillite », a conclu l’économiste Mansour Samb dans les colonnes du journal Le Témoin.

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