Le tabac est la principale cause de décès évitables dans le monde, selon l’OMS. Il est à l’origine du décès de 8 millions de personnes chaque année. 146 000 personnes décèdent en Afrique des suites de maladies liées au tabagisme et plus de 1,2 million de personnes dans le monde meurent des suites d’une exposition au tabagisme passif. L’utilisation des produits du tabac autres que les cigarettes, tels que les vaporisateurs, est en hausse en Afrique. Un adolescent sur cinq utilise des produits du tabac. Pour faire baisser le nombre de fumeurs, estimé à un demi-million, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté en 2014 la loi anti-tabac, interdisant de fumer dans les espaces publics, de faire toute publicité autour des produits du tabac et prohibant la vente de tabac à proximité des établissements scolaires . Où en est-on, 8 ans après le vote de la loi ?

Au Sénégal, un demi-million (6,0%) des adultes utilise actuellement les produits du tabac avec 11,0% d’hommes et 1,2% de femmes, selon les résultats de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les adultes au Sénégal (GATS), réalisée en 2015. Le tabac à fumer est la principale forme d’utilisation du tabac avec 5,4% (0,4 million) des adultes étant des fumeurs actuels du tabac. Les hommes sont plus nombreux que les femmes (10,7% contre 0,4%) parmi les fumeurs actuels de tabac.

Selon les chiffres du rapport, il n’y a pas de différence significative dans la consommation de tabac à fumer entre le milieu urbain (5, 8%) et le milieu rural (5,0%). 8 fumeurs actuels sur 10 ont envisagé d’arrêter de fumer ou y ont pensé. Ils sont plus nombreux (66,2%) en milieu rural.

La dépense médiane mensuelle en cigarettes par fumeur est de 6 716 F CFA. Le montant est de 5 140 F CFA chez la tranche d’âge 15-24 ans et de 8 980 F CFA chez le groupe d’âge 45-64 ans.

Environ un demi-million (30,4%) de travailleurs ont été exposé à la fumée secondaire sur leur lieu de travail dans les 30 jours précédant l’enquête, parmi lesquels un nombre important de non-fumeurs (0,4 million).

Le nombre d’adultes exposés à la fumée secondaire au domicile est de 1,642 million (21,6%). Cette exposition à la fumée secondaire au domicile touche 1,364 millions (19%) de non-fumeurs, autant les hommes que les femmes.

L’exploitation des résultats de cette enquête nationale ont montré que « le tabagisme est un problème de santé public ». L’enquête devrait aider à la mise en œuvre de la loi antitabac adoptée en 2014. Huit (8) ans après, la loi est en panne, selon le président de la Ligue Sénégalaise contre le tabac, Amadou Moustapha Gaye.

« Voter une loi, c’est bien. Mais l’appliquer c’est mieux »

« On peut évaluer la loi à plusieurs niveaux. En ce nous concerne, nous considérons que le fait d’avoir voté une loi en 2014 a été une très bonne chose. Parce que pour lutter contre le tabac il faut quand même avoir un fondement juridique. Le problème que nous avons aujourd’hui est que cette loi n’est pas appliquée ou bien appliquée. On s’en rend compte que, un peu partout dans le pays, les gens continuent à fumer n’importe où. Et nous considérons cela comme une anomalie. Nous avons sué sang et eau pour avoir cette loi. Nous avons fait beaucoup d’efforts et consenti beaucoup de sacrifices. Nous ne comprenons pas que cette loi ne soit pas appliquée », a dit M. Gaye, joint par PressAfrik.

A l’en croire, depuis que Abdoulaye Diouf Sarr (démis de ses fonctions jeudi dernier) est venu au ministère de la Santé, les choses ne bougeaient pas. Ils ont d’autres problèmes avec les textes qui sont dans le circuit du gouvernement. Ce qui fait dire au président de la Listab que « aujourd’hui au Sénégal, la lutte anti-tabac est en panne ».

Amadou Moustapha Gaye invite les gens à comprendre une chose. ‘’Voter une loi, c’est bien. Mais l’appliquer c’est mieux’’. L’application d’une loi, selon lui, ne dépend pas de la société civile. « C’est l’État qui a une police et la gendarmerie. C’est lui qui peut imposer le respect de cette loi. Ce que nous pouvons faire en tant que société civile, c’est tout simplement d’être derrière et accompagner l’État. Mais nous n’avons pas les moyens ou le pouvoir de faire respecter la loi ».

Lutte contre le tabagisme: 8 ans après son vote, la loi anti-tabac est en "panne" au Sénégal

Des démarches pour faire respecter la loi, mais en vaine…

Depuis le vote de cette loi, la Ligue n’a pas baissé les bras. D’après son président, des démarches ont été faites pour faire appliquer la loi, mais en vaine. « On a fait des démarches. Nous avons un décret et un arrêté qui sont dans le circuit gouvernemental depuis 3 ans. Nous n’arrivons même pas à les situer. C’est à dire le décret qui doit sortir le tabac des boutiques. Ce décret aurait réglé beaucoup de problèmes ». 

Par ailleurs, M. Gaye regrette le fait que le tabac soit vendu un peu partout dans le pays et à n’importe coin des rues. « Il y a une table où on vend du tabac, même devant les écoles. Ce décret aurait réglé ce problème. Parce que ça stipule que comme les pharmacies, voilà le point de vente pour le tabac. Et l’avantage de ce point de vente est que n’importe qui ne pourra pas y accéder. Aujourd’hui les enfants ont la possibilité d’entrer dans les boutiques pour acheter du tabac. On n’arrive même pas à nous dire où se trouve ce décret ». 

Rien qu’à Dakar, nous avons 400 salons à chicha

L’autre chose qui vient s’ajouter à la lutte contre le tabagisme, c’est chicha, une pipe à eau de taille variée, destinée principalement à fumer du tabac ou de l’essence de fruits. Elle est populaire dans diverses régions du monde. Selon l’OMS, elle serait fumée quotidiennement par plus de 100 millions de personnes, principalement chez les plus jeunes (15-20 ans) qui la fument aussi lors d’occasions spéciales.

Au Sénégal, la Listab a dénombré 400 salons à Dakar, fréquentés par des jeunes. « Nous avons un arrêté qui doit réglementer la chicha dans le pays. Rien qu’à Dakar, nous avons 400 salons à chicha, fréquentés par les jeunes. Il faut qu’on alerte sur la chicha. Il faut que les gens comprennent qu’elle est plus dangereuse que le tabac classique ». 

Il ajoute : « Quand on fait une séance de chicha, il faut considérer que vous avez fumé 100 cigarettes. Je ne pense pas que les jeunes savent cela. C’est au moins 20 ou 50 jeunes qui sont autour de l’appareil de la chicha dans les salons. La difficulté est qu’ils se partagent une seule pipe. Imaginez parmi ces gosses là qu’il y ait un ou deux qui ont des maladies contagieuses. Tout le monde va choper. Les jeunes doivent être plus conscients. Et nous en appelons à la responsabilité des parents., mais aussi à celle de l’État qui prend une partie de la prise en charge des maladies ».

Poursuivant, notre interlocuteur a aussi évoqué la cherté du soin des maladies causées par le tabac. Certes les gens parlent de taxes sur le tabac, mais il a fait savoir que « l’État ne récolte que 24 milliards FCFA à chaque année sur l’industrie du tabac ». Alors qu’il prend en charge des maladies qui sont causées par le tabac à hauteur de 100 milliards FCFA sinon plus. Sans oublier les ménages sénégalais qui  perdent chaque année 122 milliards FCFA. « Vous pensez que c’est tenable ? Nos pays n’ont pas les moyens de cette situation. Il faut que tout le monde soit conscient. Les maladies causées par le tabac sont tellement graves que les nos Etats ne peuvent pas prendre en charge, à fortiori les familles. Si quelqu’un d’une famille à une maladie comme le cancer par exemple, la famille cherche à le soigner en mobilisant tous les moyens et sans être sûr qu’elle réussira à le soigner. Ce qui va accroître la pauvreté dans le pays et les maladies », a-t-il prévenu.

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