Les jeunes de Diass ont donné un avant-goût de la «deuxième vague» de leur courroux contre des travaux de terrassement sur un site de 31 hectares destinés, d’après eux, à l’extension du village de Sakirak. Ainsi, ils ont brûlé des pneus, des troncs d’arbre et obligé même un camionneur à déverser du béton sur la Route nationale. Ainsi, ils ont bloqué la circulation pendant plus de trois tours d’horloge pour montrer leur colère. Même si les gendarmes ont réussi à rétablir la circulation difficilement, les jets de pierres et de grenades lacrymogènes entre les deux belligérants se sont poursuivis durant presque toute l’après-midi.
Bilan : 11 personnes arrêtées lors des affrontements et gardées à la brigade de proximité de Diass.

«Le site doit revenir légitimement aux populations…»
Mais malgré tout, ces jeunes dénoncent le manque de considération de l’Etat vis-à-vis de l’ethnie Saafi. Selon Pape Daouda Faye, leur porte-parole, la population est quotidiennement menacée de tous bords par les projets de l’Etat et des prédateurs fonciers. «En effet, depuis 48 heures, un homme décidé à occuper le site destiné à l’extension du quartier de Sakirak est en train de le terrasser avec une forte présence des Forces  de l’ordre pour l’escorter. Ce que nous déplorons, parce que nous estimons que tout travail entrepris dans le site sans le consentement des populations est fait dans d’illégalité. Nous estimons que le site doit revenir légitimement aux populations dont l’habitat est étouffé de tous bords par les projets de l’Etat. Ce qui fait qu’elles ne disposent d’aucun espace pour une éventuelle ex­tension de leur zone d’habitation», fulmine Pape Daouda Faye.
Le quartier de Sakirak, où se trouve le site controversé, est étouffé de tous bords. L’aéro­port, la Route nationale et l’usine Kiréne empêchent le quartier, qui est l’un des plus grands de Diass, de s’agrandir et de permettre à ses habitants d’avoir des parcelles où habiter.

31 hectares : «espoir» des populations et objet du litige
Le site en question s’étend sur une superficie de 31 hectares et qui, à en croire M. Faye, représente l’espoir de toute une population  qui a accepté de céder des milliers d’hectares au bénéfice de l’Etat du Sénégal. «Nous rappelons que la commune de Diass a cédé à l’Aibd plus de 75% de ses terres sans aucune indemnisation. A travers la Zone économique spéciale intégrée, l’Etat et ses partenaires veulent réduire à néant l’existence de toute une communauté. Ce qui est inadmissible et inacceptable. Les projets de l’Etat doivent prendre en compte les préoccupations des autochtones ; malheureusement, nous constatons qu’ils ignorent complètement le mot Intégrer qu’ils veulent remplacer par le mot Eliminer», a déploré le porte-parole.
Ces jeunes ont tenu à rappeler que la population a mené le combat depuis 2009 sans violence pour le viabiliser. C’est ce qui fait qu’elle dispose d’un plan d’urbanisme délivré par les autorités, d’un permis de couper délivré par les Eaux et forêts et d’une délibération par la mairie. La population est donc légalement propriétaire de ce site. «Nous déplorons l’insuffisance d’informations concernant le démarrage des travaux entrepris sur le site ainsi que le déploiement des Forces de l’ordre dans la localité et qui sont en train d’intimider la population. Alors, nous demandons l’arrêt des travaux qui se font sur le site dans un délai de 24 heures ; sans quoi, nous irons sur place pour déloger le propriétaire et les Forces de l’ordre. Nous demandons aux autorités municipales de nous accompagner dans ce combat parce que c’est un combat communautaire.»
«La population est déterminée à combattre par tous les moyens. Donc si d’ici vendredi, le propriétaire et les Forces de l’ordre n’ont pas quitté le site, nous irons les déloger. La gendarmerie est en train d’effectuer des patrouilles dans le village pour intimider les habitants,  mais nous allons faire face parce que la population est déterminée. Nous interpellons et prenons à témoin le Président Sall. D’ici 24 heures, si rien n’est fait, nous irons récupérer le site destiné à l’extension du quartier. Donc qu‘il prenne ses responsabilités», menace M. Faye.

Le maire annonce une réunion imminente entre les deux parties
Pour diminuer la tension, Cheikh Tidiane Diouf, le maire de la commune de Diass, a invité au calme. Selon lui, la municipalité a entamé des procédures administratives, elle lui a envoyé un courrier pour demander à l’Apix de leur céder 31 ha pour permettre à Sakirak de bénéficier d’une zone d’extension, car ce quartier est coincé entre l’Aibd, la Route nationale et la Zone économique. Malheureusement, la réponse fournie par cette dernière a été négative et la population a été informée de cette réponse.
Toutefois, l’édile de Diass annonce une bonne nouvelle qui à coup sûr va aller vers la décrispation de ce problème. «Ce matin (Ndlr : hier), la situation s’est dégradée et des affrontements ont eu lieu faisant place à des arrestations. Je suis descendu sur le terrain pour m’enquérir de la situation. L’autorité nous a garantie qu’elle est  dans les dispositions pour discuter et trouver une issue heureuse. J’ai saisi toutes les parties concernées pour trouver une solution d’urgence», informe le maire Cheikh Tidiane Diouf. Avant d’ajouter : «Les autorités déconcentrées sont prêtes à organiser une réunion avec le collectif et les autorités locales, il faut que l’on négocie, car la logique de l’affrontement ne peut pas prospérer.»
abciss@lequotidien.sn

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