​Cinq mois après les pluies diluviennes qui ont touché Keur Massar, faisant de cette populeuse commune du département de Pikine la plus impactée du pays avec ses deux sites de recasement, aucune des promesses des autorités n’a été réalisée. Aucun début de travaux d’assainissement. Et ce même si l’autorité communale rassure et annonce que tout est prêt pour le début des travaux.

Les cicatrices et dégâts laissés par les pluies diluviennes qui avaient dévasté une grande partie de la commune de Keur Massar sont encore visibles. Mais au-delà des dégâts matériels, il y a les souvenirs douloureux et les expériences que les habitants de cette populeuse commune n’aimeraient guère revivre. Il est vrai que Keur Massar n’avait pas été la seule localité à avoir été engloutie par les eaux. D’autres villes de l’intérieur du pays avaient subi les dégâts de la pluie.

Dans un élan de solidarité, l’Etat, à travers son ex-ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, M. Mansour Faye, avait décaissé la somme de 10 milliards dont les 3 milliards devaient être investis dans le social pour aider les populations sinistrées et les 7 milliards pour des travaux d’infrastructures. Le président de la République, Macky Sall, lors de sa venue à Keur Massar avait annoncé un plan d’urgence d’assainissement. Il était également prévu de fusionner les PROGEP 2 et 3 (Projet de Gestion des Eaux Pluviales) pour un montant de 30 milliards. Afin d’assainir la commune de Keur Massar.

Quatre mois après les fortes pluies diluviennes, les promesses d’assainissement tardent à se réaliser dans ladite commune. Aucun chantier d’assainissement dans les secteurs les plus touchés de la commune n’est visible. Ce qui fait que les populations sont inquiètes de devoir revivre le drame des inondations. Les habitants des cités qui avaient été les plus touchées se sentent délaissés, à la limite oubliés par les autorités. Car n’ayant vu ni tracteur ni Caterpillar pour soulager leurs inquiétudes.

Monsieur Barry, enseignant à la retraite, victime des dernières inondations ne sent aucun changement dans son vécu. « J’avais préféré rester chez moi que de rejoindre les sites de recasement. J’ai vécu avec toute ma famille dans la maison qui était inondée. C’est un choix que nous avions fait pour des raisons éducatives. Hélas, à quelques mois du début du prochain hivernage, rien n’est fait allant dans le sens de nous faire oublier les moments difficiles de l’année dernière », regrette avec beaucoup d’amertume l’enseignant.

Retour sur les lieux quatre mois après
A la cité Camille Basse, l’une des plus impactées par les inondations, rien ne fait penser à un prochain démarrage des travaux d’assainissement promis par les autorités. La cité qui fait face aux Parcelles assainies est séparée par la route centrale qui mène vers Jaxaay. Dans ce quartier, le constat reste le même, les tuyaux qui servaient à évacuer l’eau sont toujours là poussiéreux. « Mes deux enfants et moi avions vécu dans les sites de recasement avant que mon mari ne trouve une chambre chez un de ses amis où nous avons emmenagé. Mais si rien n’est fait, nous risquons de revivre la même situation que l’année dernière. Parce que les autorités, depuis lors, ne parlent que d’élection et de coronavirus en oubliant le projet d’assainissement » fait savoir une jeune dame.

A la devanture de sa maison, Tata Astou Fall propose des condiments à ses voisins. Selon cette dame entre deux âges, aucun début de travaux n’est constaté. Les stigmates de la dernière saison des pluies sont encore visibles. Notre interlocutrice, bien que disant craindre le pire, se veut néanmoins optimiste et pense que les travaux vont bientôt démarrer. Dans les Parcelles Assainies des unités III, aucune installation symbolisant le début des travaux du nouveau plan d’assainissement de la commune.

A l’intérieur de son atelier de couture, habillé d’un teeshirt à manches courtes, pantalon noir, les pieds collés aux pédales, cet habitant du quartier ayant vécu dans les eaux pendant toute la durée des inondations ne pouvait ne pas donner son point de vue. Il ne fait pas dans la langue de bois. « Nous n’avons rien vu depuis lors. Aucune installation n’est posée allant dans le sens du début des travaux d’assainissement promis par le président de la République lors de sa dernière visite. Nous ne sommes pas amnésiques », se désole Moussa Mangassa.

Dans ces cités, les briques entreposées, et servant de ponts de fortune pour le passage aux habitants, sont encore utilisées. Les entrailles du sol, destinées à évacuer les eaux, sont toujours perceptibles. Les herbes sauvages sont visibles au niveau des différentes rues et ruelles. Les conduits cylindriques sont exposés sous le chaud soleil, délaissés à l’état de dégradation. La rouille est en train de ronger ces tuyaux qui servaient à l’évacuation du trop-plein d’eau.

Dans cet écosystème si verdoyant et si sauvage, après cinq mois de pluie, à l’intérieur d’une de ces maisons, une dame est en train de donner une nouvelle vie à ses carreaux qui ont changé de couleur. « Vous-même, vous avez dû mesurer les difficultés que vous avez traversées en venant ici. Depuis que nous avons regagné nos domiciles, rien n’est fait pour nous prémunir des désagréments de la dernière saison des pluies. Les autorités semblent avoir oublié leurs promesses », fustige Evelyne Diouf.

A l’en croire, les habitants des cités les plus impactées lors de ces fameuses inondations sont délaissées par les autorités. D’une cité à une autre, l’humidité du sol est visible, la boue collant aux chaussures.

L’autorité municipale apporte des explications…
M. Makhtar Mbengue, chef de cabinet et point focal en charge des inondations, se veut rassurant à l’endroit des populations de la commune, surtout celles qui ont été les plus impactées par les dernières pluies. A en croire M. Mbengue, tout est au point et il ne reste que… la phase d’exécution. « Keur Massar a un plan d’urgence pour les inondations conçu par le Gouvernement. Le budget de réalisation tourne autour de 46 milliards. La première phase du PROGEP (projet de gestion des eaux pluviales) est terminée, elle concernait tout ce qui va de l’Unité 11 jusqu’à Boune. Il ne reste que la deuxième et la troisième phases du PROGEP qui concerne les quartiers Camille Basse, les Parcelles Assainies et autres quartiers environnants. De ce fait, depuis le mois d’octobre, un comité est mis sur pied. Un comité dans lequel se trouve le maire Moustapha Mbengue, l’ADM (Ndlr, Agence de développement municipal), la brigade des sapeurs-pompiers » rassure le chef de cabinet.

A l’en croire, une bonne étude de la cartographie des inondations est déjà opérationnelle. Et d’ici peu de temps, la phase de construction de bassins de stockages et de pose de canalisations, mais également le système de pompage vont bientôt démarrer. Makhtar Mbengue va plus loin en rassurant que l’appel d’offres pour les travaux de Keur Massar est déjà fait. « Mais également, nous avions organisé des journées de consultation afin de sensibiliser les populations sur le démarrage de ces travaux » fait savoir M. Mbengue. Celui-ci, qui est également professeur de mathématiques, explique les lenteurs par le fait qu’il s’agit de projets structurants.

Dans tous les cas, si on observe partout dans la ville de Dakar des chantiers avec leur lot de tranchées, déviations et présence de gros engins, ça ne semble pas être le cas à Keur Massar à quatre mois du début de l’hivernage. Mais puisque c’est une promesse présidentielle… et que la mairie rassure. On peut croiser les doigts pour ne pas devoir vivre les drames de l’année dernière. 

Le Témoin

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